J'entendais encore ces mots qui se répétaient, sur ce ton solennel, tellement formel... " votre compagne est à l’hôpital, il y a eu un problème ". Depuis lors, je courais en direction du village; cela faisait plusieurs minutes que mes jambes menaçaient de céder sous mon poids, mais je continuais. Cette douleur que je ressentais n'était pas physique... Je me mourais d'être loin de celle que j'aimais alors qu'elle avait tant besoin de moi. C'était une sensation insupportable, surtout pour moi qui me donnais comme unique mission d'aider ceux qui en avaient vraiment besoin... Peut importait ma mauvaise forme, peut importait la pluie battante qui dégringolait sur les plaques de roches sous mes pieds; il fallait que je me hâte, que je coure jusqu'à m'en déchirer le coeur s'il le fallait.
Au loin, derrière un épais rideau d'eau, j’apercevais enfin les remparts du village et quelques lumières... J'y étais, j'y étais presque! Une dernière fois, j'oubliais mes muscles parcourus d'acide et non plus de sang, et m'élançais de toutes mes forces vers l'entrée d'Iwa. Deux ninjas postés aux portes m'y attendaient et me conduisirent à travers les rues jusqu'à l'unique hôpital des environs. Toutes ces dispositions m'effrayaient... A quel point était-elle mal pour qu'une telle attention lui soit accordée? Malgré tout l'amour que je portais à Shuu', ce n'était pas un shinobis exceptionnel et le tsuchikage n'avait aucun intérêt à déployer un tel dispositif... Sauf si elle était mourante. Immédiatement, je chassais cet idée de mon esprit et me mis à avaler les escalier quatre par quatre. Si elle était encore en vie, j'étais capable de la sauver... Ces médecins avaient des connaissances étriquées! Oui, j'étais capable de la sauver... C'était une certitude. Fort de mon savoir centenaire, je déboulais dans le couloir qui abritait la chambre de Shuu'; il n'y avait plus que quelques mètres qui me séparaient... Mais ils me paraissaient infranchissables tant ils étaient longs. Chaque seconde était un nouvel obstacle à franchir, une épreuve qui me vidait de ma force substantielle... Je l'aimais tant, si fort! Je refusais de perdre une nouvelle fois quelqu'un... A quoi bon vouloir aider l'Homme si je ne pouvais pas aider ceux qui m'étaient chers? Ma mère était morte, mon père était mort... Shuu' ne pouvait pas mourir.

" Poussez-vous! "

Ce fut la seule phrase que je fus capable de prononcer en entrant dans la chambre. Une bonne dizaine de personnes -médecins et infirmières- se massaient autour de la femme de ma vie... Comme si ma parole faisait loi, ils s'écartèrent tous et je pu enfin m'approcher.
Cette image restera certainement gravée en moi jusqu'à la fin, un fantôme de souffrance qui me hantera toute ma vie... Shuu' était allongée, là, sur un lit imbibé de sang... De là ou je me trouvais, je pouvais déjà voir deux énormes plaies béantes qui laissaient présager qu'elle se viderait de son sang quoi qu'on fasse... Je n'osais imaginer les dégâts internes, ce n'était pas la peine. Le médecin que j'étais savait qu'il était déjà trop tard pour la sauver, que ces blessures étaient trop nombreuses et sérieuses pour qu'on puisse penser à tenter quelque chose. Elle était encore en vie à en juger par sa poitrine qui se soulevait à peine; mais pour combien de temps? Sa souffrance devait être inimaginable, à tel point que mon seul souhait à cet instant était qu'elle soit inconsciente. J'entendais les ninjas médicaux derrière moi qui murmuraient et marmonnais de manière à ce que je ne comprenne pas ce qu'ils disaient... En vain. Les mots " décès par assistance ", " blessures mortelles " et " abandon sur place " me parvinrent... Je compris. Son compagnon de mission et elle avait du tomber dans une embuscade, et ce pleutre l'avait abandonnée sur le champ de bataille.

" Ou est-il partit? " ma voix était éteinte, presque inaudible, mais ils se retournèrent tous, l'air atterré... L'un deux, probablement le médecin en chef, s'approcha de moi et me tendit une main que je dénigrais d'un geste du menton " expliquez moi, avant que je ne puisse plus comprendre... " - " Son partenaire a prit la décision de déserter au profit de l'ennemis, elle a essayé de l'en empêcher seule et... " - " Assez, j'ai compris. "

Je me retournais vers la jeune femme reliée à son respirateur... Après avoir prit ses constante et établit une liste de ses blessures ainsi que leur gravité; j'évaluais le temps qu'il lui restait à vivre à deux heures maximum... Elle avait perdu beaucoup trop de sang et son foie avait éclaté... C'était déjà un miracle qu'elle soit toujours en vie. Profondément triste, je m'assis à son chevet et prit sa main dans la mienne en attendant qu'elle s'éteigne... Petit à petit, les médecins et infirmières quittèrent la pièce et nous laissèrent seul. Ce fut une demi heure plus tard que la jeune femme entrouvrit les yeux pour la dernière fois; ils étaient toujours aussi bleus... Toujours aussi vifs. Même aux portes de la morts, Shuu' savait garder cet étincelle qui m'avait séduit; cet air intelligent et sensible... Alors que nous nous regardions en silence, je vis ses lèvres bouger; derechef, je lui retirais le tuyaux d'aide respiratoire en prenant soin de ne pas la blesser. Il s'agissait de ses derniers instants et je voulais qu'elle les vive digne, sans machines à laquelle elle serait reliée... :

" J... Je t'a... T'aime. " Je ne pouvais contrôler les larmes qui dégoulinaient le long de mes joues, l'émotion me submergeait plus forte que la douleur " Moi aussi je t'aime mon amour... Je t'aimerai toujours. " Son sourire, son dernier sourire, me fut destiné.